• Chez moi.

     

    Chez moi c'est chez moi, ma maison, la baraque.

    Chez moi c'est aussi chez mes parents. Jusqu'à tard quand je disais "je l'ai oublié chez moi" c'était pour dire que c'était resté dans ma chambre, chez mes parents.

    Et chez moi, comme chez vous sûrement, y'a un truc spécial. Une ambiance qui ne règne nulle part ailleurs.

    Donc chez moi, chez mes parents, y'a un buffet que je n'ai jamais vu rangé. Dessus, il y a des cendriers alors que mes parents ne fument pas. Des cadeaux de fêtes des mères d'il y a 20 ans en arrière. Les photos de mon frère et moi dans des jolis cadres en bois. Mon frère a l'air endormi et moi j'ai la frange mi-front.

    Y'a un petit cadre avec écrit dessus " l'asile le plus sûr est le cœur d'une mère". Et celui-là, il remonte non pas de 20 ans mais de 40 puisqu'il était à ma grand-mère.

    Y'a un torchon décoré du calendrier de l'année 1976 sur le four micro-ondes pour le protéger.

    Les matins, y'a un parfum de café et de pain frais dans la cuisine.

    Les lundis y'a un parfum de cire et le parquet brille. Parce que le lundi c'est le jour où ma mère "fait son ménage à fond".

    Y'a une odeur particulière qui s'imprègne aux habits. Ça ne sent ni bon, ni mauvais, ça sent chez moi.

    Y'a mon armoire à l'étage avec Kurt Cobain accroché avec 4 punaises.

    L'hiver y'a des patins pour ne pas salir. Je vous l'avoue c'est un classique.

    Y'a une nappe avec, dessous, du bulgomme. Et sur les motifs octogonaux du bulgomme, y'a une trace de fer à repasser toute lisse. Ce jour-là, ça avait dû gueuler !

    Chez moi, y'a des "t'as pensé à payer ton assurance ?", "t'as ramené mes Tupperware ?" "t'es allée faire valider ton LEP ?". Il y a donc une peur de se faire engueuler quand on franchit la porte.

    Y'a aussi des "viens là mon petit lapin", "arrête de faire le Jacques", "à qui c'est ces gros gigots", "on va aller jeter 2/3 pierres dans la rivière si tu veux", "et si on allait faire un p'tit tour jusque là ?" pour mes enfants, pas pour moi, vous l'avez deviné.

    Y'a aussi une enveloppe rassurante qui soigne comme une pommade quand ça ne va pas.

    Y'a des sourires, des souvenirs dixit Aznavour. Et plein de choses encore.

    Dommage que personne ne me lise encore, car j'aurais bien aimé savoir comment c'était chez vous.

     

     

     

     

     

     


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  • Zoulou.

     

     

    Nous étions allés choisir Zoulou au mois de juillet. Il était là au milieu de ses frères. Il avait les yeux fermés et cherchait le téton de sa maman. Il poussait de tous petits cris plaintifs comme font tous les bébés animaux et qui vous font fondre comme une livre de beurre.

    Certains diraient "dès que je l'ai vu j'ai su que c'était lui". Moi non : en fait, c'était celui qui, paraît-il ressemblerait le plus à un chat Siamois.  Comme j'aime bien les Siamois, je l'ai choisi uniquement pour l'argument précédent. Non pas parce que c'était une évidence, juste parce qu'on m'a dit qu'il ressemblerait à un Siamois.

    Nous l'avons laissé à sa mère et nous sommes repartis.

    Deux ou trois mois après, je ne sais plus, il faisait son arrivée dans la maison. Il avait pleuré beaucoup les premiers jours. Je me disais que c'était atroce de l'avoir arraché à sa maman. Puis, en pensant au sort de ses frères, je me disais que finalement, ici, il n'allait pas être si mal.

    Mon ami Renaud m'avait conseillé de lui faire un petit lit dans un carton avec un réveil. Ce procédé était censé lui rappeler les battements du cœur de sa mère et donc, le rassurer. Je m'étais exécutée, mais mon petit Zoulou savait déjà qu'il allait passer toutes ses nuits, non pas avec un réveil, mais avec moi. Dès la première tentative, il s'était extirpé de son berceau pour venir finir contre moi.

    C'est alors que notre vie ensemble a commencé. 

    Les câlins, les ronrons, les roulades quand je rentrais du travail. Les frottements aux mollets les matins, les coups de têtes cherchant les caresses, les séances de  pétrissage le soir devant la TV (cherchez sur Google, ignorants que vous êtes, bravo pour les autres). Quand je travaillais à mon bureau, il venait s'étendre sur mes feuilles, essayant d'attraper un stylo situé trop loin de lui, puis il roulait de l'autre côté. J'arrêtais de travailler pour le regarder, pour m'étonner devant l'insolite de l'une de ses poses.

    Quand je me suis faite jeter, il était là mon Zoulou. Il était devenu mon compagnon, qui rendait mon quotidien moins morose, moins solitaire.

    Il était aussi là quand je ramenais un mec à la maison. Qui chaque fois s'extasiait devant la beauté de ce petit sphinx.

    Et puis il a été là quand bébé est arrivé.

    Il a vécu tout ça avec moi.

    Mon petit Zoulou faisait peur à Matthieu. Il est vrai qu'il était joueur : quand il voyait un coude dépasser de l'accoudoir du canapé, il ne pouvait s'empêcher de le lacérer.  Idem pour les pieds qui osaient déborder du drap, la nuit, canicule ou pas. La peur au ventre de perdre une jambe dans la nuit, je connais ça.

    J'avais dû arrêter les cours particuliers de français, car la jeune fille était terrorisée par mon Zoulou.

    Zoulou c'était aussi un "scratch" au beau milieu de la nuit (comprenez la tapisserie qui perd en surface). C'était  également un pipi (voire même un caca) dans mon lit, si la litière n'était pas suffisamment propre pour monsieur.

    Des vomis de boulettes de poils au printemps.

    Des tonnes de poils blancs sur la moindre veste en laine qui traînait.

    Des balades dans le grenier de l'immeuble quand ce petit chenapan s'enfuyait. Je précise : ces balades étaient le plus souvent nocturnes dans un grenier sans lumière.

    Un regard de tueur.

    Vous l'avez compris mon Zoulou c'était quelque chose.

    Malgré tous les lacets qu'il m'a bouffés, tous les rideaux qu'il a déchirés, le pied de mon ficus qu'il a pris pour un griffoir, tous les cacas puants qu'il s'amusait à poser juste quand je venais de changer la litière, tous les fils qu'il a dénudés, bref malgré tout ça, je l'aimais mon Zoulou.

    J'en ai pris pleinement conscience l'année dernière en janvier, quand il s'est levé du canapé en toussant. Qu'il a commencé à respirer de façon anormale. Et qu'il est finalement aller rendre son âme à dieu. En 1 heure, mon Zoulou est passé d'une sieste sur le canapé à une tombe dans le jardin...

    J'ai pleuré pendant 15 jours.

    J'ai expliqué mon chagrin à plein de gens qui n'en n'ont eu absolument rien à foutre. J'ai même entendu l'impitoyable "oui bon, c'est qu'une bête".

    Mon beau Zoulou tu me manques encore. Tu me manqueras toujours.

    Ce que je préférais c'est quand tu faisais craquer les marches en bois de l'escalier malgré la légèreté de ton petit corps et que je voyais la porte de ma chambre s'entrouvrir. Tu venais alors me rejoindre, me réchauffer de ta présence.  Ce que j'aimais aussi c'est quand tu t'adonnais à une sieste express, assis au bord de la table, tes quatre pattes parfaitement alignées. Comme si être aussi beau t'avait fatigué.

    Bye mon Zoulou.

     

    Zoulou.

     

     

     

     

     

     

     

     


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    Ça c'était avant. 

    C'est le soir je prends l'air devant chez moi. Il est 21h00, c'est le printemps, la nuit s'installe. Il fait doux. J'entends passer une chauve-souris.

    Ce bruit strident, ce froissement d'ailes. Ce petit mouvement d'épaules qui se cachent dans le cou comme pour déjouer leur attaque me fait penser à avant.

    Je repense à quand j'étais petite. Environ l'âge que j'avais quand j'ai rencontré celui que j'appelle affectueusement la "petite merde" décrite plus bas (ou "le petit enculé", appelez-le comme vous voulez !). Environ 10-12 ans.

    Les soirs d'été avec maman, Augusta, tonton Jo et les cousins nous allions nous promener après le souper.

    Nous empruntions un petit chemin de campagne.

    Les adultes marchaient devant.

    Nous, nous faisions les fous. Nous étions en sandales, tout bronzés. On sautait, on se roulait dans les prés fauchés piquants. On escaladait les cailloux. On admirait une trouvaille. On jouait à poule ou coq. On faisait une demoiselle avec un coquelicot. Comme quelque chose nous attendait plus loin, avec dédain, on jetait ladite demoiselle avant de repartir de plus belle dans notre escapade nocturne. On était heureux sans le réaliser vraiment.

    Au loin, on entendait parfois le bruit sourd des bavardages d'un groupe de promeneurs qui venaient à notre rencontre. Nous les croisions. Les adultes se saluaient et  parlaient entre eux de choses qui ne nous intéressaient pas. Si il y avait un enfant, nous le regardions du coin de l'œil sans pour autant lui parler (on était cons !).

    La nature elle, restait stoïque. Peut-être fatiguée d'avoir dû être aussi belle pendant la journée. Les insectes nocturnes entraient en scène. On entendait leur chant sans jamais pouvoir les voir. Une chouette ululait au loin.

    Peu à peu la nuit tombait, le ciel devenait bleu foncé, puis de plus en plus sombre.

    Nous prenions le chemin du retour. Arrivés à la maison, les adultes s'asseyaient sur le banc ou sur le trottoir de tonton.  Papa faisait une apparition en pantoufles et prenait part à la discussion avant de partir se coucher.

    Tonton sortait un grand plateau de pêches du Roussillon et on se servait. Elles étaient sucrées comme des bonbons. On jouait un dernier moment au bord de la rivière.

    Les chauve-souris faisaient la ronde au-dessus de nos têtes.

    Puis, tatie fermait ses volets. Ça voulait dire "la journée est finie, il faut aller se coucher".

    On se disait à demain et on rentrait.


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  • Wonderwall.

    Je suis au lit et comme souvent j'écoute de la musique. Ce soir après avoir écouté "Fauve", je lance "Wonderwall" d'Oasis.  Cette chanson dont Matthieu disait qu'il avait l'impression que quand Liam chantait, il "crachait des postillons", réflexion que je comprenais très bien puisque je me l'étais moi-même faite.

    Brèfle.

    Je ferme les yeux et la chanson commence à m'envelopper.

    Au départ, je n'arrive pas à recréer les scènes qui ont eu cette chanson en fond. Je ressens simplement un sentiment de bien-être. Au fur et à mesure que la chanson défile je me retrouve à la fac, il y a  19 ans. J'en ai 38, j'en avais 19. Il y a 19 ans dans le Saint-Etienne gris et moche qu'il est toujours, mais qui a été le terrain des plus belles années de ma vie.

    Insouciance, joie de vivre et liberté, premiers amours, copains et copines, fêtes... En gros ça veut dire, se servir du pognon des bourses pour payer, entre autres, bowling et sorties pendant que mes parents me croyaient sagement en train d'étudier l'histoire médiévale et ancienne. Ça veut dire soirées arganisées à la dernière minute et dont on se disait que c'était les meilleures. Ça veut dire que les copains de l'iut venaient ce soir. Ça veut dire dégueulis du jeudi soir, soirées avec monsieur Pastis et autres happy hours. Ça veut dire semaines banalisées à passer plus de temps à jouer au tarot dans des volutes de fumée qu'à bosser mes partiels. Mon relevé de notes s'en souvient...

    Bref.

    J'écoute wonderwall donc et me voilà un jour de neige à lancer des boules de neige par une fenêtre ouverte de la cité U.

    Me voilà à manger un big mac sur le toît de centre 2.

    Me voilà à mettre en route tous les mécanismes des peluches d'un magasin de jouets pour qu'elles fassent un bordel d'enfer.

    Me voilà à regarder hilare un livre sur Fernandel à la BU avec ma copine Louisa parce qu'on trouve qu'elle a les mêmes gencives que lui.

    Me voilà à passer une journée entière à jouer au billard au Billardeur.

    Me voilà à m'amuser à insulter ma copine dans le tram, sous le regard indigné des passagers.

    Me voilà à me faire taxer une clopper par un clodo et l'entendre me dire que je dois "être une pauvre car y'a que les pauvres qui filent".

    Me voilà à faire des lasagnes pour tout le monde parce que j'étais la reine de la lasagne.

    Me voilà à vomir dans le caniveau après un concert au Pirandello.

    Me voilà à chercher dans un amphi de 600 personnes le garçon dont je suis amoureuse mais qui ignore même que j'existe.

    Me voilà à trouver le tag "place de ma mob"  trop cool.

    Me voilà à me faire rembourser des pompes que j'ai portées un week-end entier mais dont j'ai bien lavé les semelles.

    Je remets la chanson.

    Me voilà à marcher dans Saint Etienne désert, à 5 heures du matin, avec des copains et des copines, et celui qui sera mon premier vrai amoureux.

    Me voilà à danser sur MJ un après-midi dans le salon de Louisa.

    Me voilà à m'amuser à refaire des répliques des  Monty Python avec des voix de petites vieilles anglaises.

    Me voilà à jouer à "tu préfères version trash" à la machine à café de la fac à côté du doyen de la fac.

    Me voilà à renverser mon plateau repas au RU, le premier jour où j'y mange, entendre le serveur crier "ET ALLEEEEZ"  et ne plus y mettre les pieds de ma vie.

    Me voilà à écouter de la bonne musique des années 90.

    Me voilà à boire des cafés avec Paola et lui demander si elle rêve en portugais ou en français.

    Me voilà au ciné pour un Woody Allen ou un "y'a t-il".

    Me voilà au restau pour déguster une calzone sans savoir que cette pizza doit rassasier environ 10 personnes affamées.

    Me voilà en train de devenir adulte.

    Me voilà à quitter l'adolescence.

    Hummmm, quelles belles années...

     

     

     


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  •  Les courses.

     

     Les courses. 

    Tout à l'heure je suis allée faire les courses. Moment magique, sans pleurs d'enfants, sans odeurs de caca, sans carottes qui dégoulinent sur mon jean, sans ventre suppliant qu'on le nourrisse, bref mon moment à moi. Moment où je peux discuter avec quelqu'un en comprenant ce qu'on me dit. Le top. J'adore faire les courses, je flâne, je zyeute, je me détends...

    Au rayon boucherie, j'aperçois un type que je n'avais pas vu depuis un bon moment. La dernière fois que j'avais eu affaire à lui de près ça devait être en 1987. J'avais 11 ans, il avait presque réussi à me noyer dans la moyenne, comme ça gratuitement, juste par haine à mon égard.

    Une haine certainement vouée au fait que je ne lui plaisais pas physiquement, car je dois bien l'avouer, l'adolescence a été une période douloureuse pour moi (cheveux gras, boutons, maigreur, grands pieds, j'en passe et des pires). 

    Dans ce bassin, donc, je m'étais débattue et au moment où j'avais réussi à sortir la tête de l'eau, un grand filet de morve était sorti de mon nez. Le connard en question s'était moqué de moi, et moi je m'étais mise à le haïr. J'aurais aimé le voir crever sous mes yeux ou qu'il se fasse enlever.

    A l'époque, j'avais revu ce garçon quelques fois, et, à chaque fois il se moquait de moi. Il avait souvent quelques filles, à ses côtés qui gloussaient aussi, naturellement.

    Et là, depuis 1987, je ne l'avais pas revu.

    Au supermarché,  quasiment au niveau des paupiettes, je vois un nain de jardin dans un jean tout pourri qui marche comme un paysan. 

    Je le dépasse, je ne suis pas sûre que ce soit celui à qui je pense. Je suis amenée à faire demi-tour et je check de face cette fois-ci. Oui ! Il s'agit bien de lui, de celui qui se foutait de moi quand j'étais gamine et qui avait manqué à me noyer ! Il a une tête de con, un air de plouc, un crâne dégarni et visiblement il a mangé beaucoup de bonnes choses depuis la pistoche. Il arbore un ventre dégueulasse sous un t-shirt qui ne lui va pas. Il porte un pauvre blouson en jean comme en n'en fait plus depuis Indra. Il est laid comme un cul... Et encore je connais des postérieurs plus agréables à regarder que lui.

    Intérieurement je jubile. C'est de ce machin dont j'avais peur petite. Mais le meilleur reste à venir. Au moment où je le croise, le Schtroumpf me regarde et a le toupet de me sourire.  Cette raclure a semble-t-il oublié la tasse de javel/poux qu'il m'a faite avaler !  A ce moment je n'en peux plus, j'ai envie de sauter comme dans les pubs fraîches, où on voit une personne de dos qui fait un bond en faisant se rejoindre ses pieds (pardonnez-moi pour cette description misérable mais je suis sûre qu'on se comprend). Bien entendu, donc,  je l'ignore,  je lui mets un vent digne des plus grands rallyes Paris-Dakar. Tout mon être ricane. J'ai envie de rire comme Philippe Bouvard  dans les Grosses Têtes.

    Je passe mon chemin. La satisfaction que je ressens à ce moment-là, c'est comme si  je venais d'avoir les résultats du bac, comme si ce soir c'était les grandes vacances, comme si je venais de faire une nuit de 6 heures d'affilée. Hehehe...


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